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Maison La Roche © FLC / ADAGP / Manuel Bougot

Hommage à Paul Chemetov

1928-2024

Paul Chemetov

1928-2024

C’est avec une grande  tristesse que j’ai appris la disparition de Paul Chemetov, un modèle d’engagement au service de l’architecture et de l’urbanisme en France. Lors du cinquantième anniversaire de la Fondation, il confiait que s’il n’avait pas découvert Le Corbusier à travers la lecture de Quand les cathédrales étaient blanches il aurait été historien.

Il aura dédié sa vie à une architecture humaniste, faisant de la cause sociale le véritable enjeu de son travail et de sa réflexion. Comme Le Corbusier avant lui, il voulait changer la vie des hommes par l’architecture.

De la place carrée du Forum des Halles à la Grande Galerie de l’évolution du Muséum d’histoire naturelle, du Ministère des Finances de Bercy aux milliers de logements sociaux qu’il a dessinés, il lègue une œuvre considérable au service du bien commun.

En mon nom, au nom de la Fondation Le Corbusier, je souhaite témoigner mon amitié et mon admiration pour une personnalité brillante et généreuse.

Antoine Picon, Président de la Fondation le Corbusier

Discours de Paul Chemetov
50 ans de la Fondation Le Corbusier

04 juin 2018, Beaux-Arts de Paris

Que fête-t-on ici ? Le cinquantième anniversaire de la Fondation Le Corbusier ou celui de mai 68 à l’Ecole des Beaux-Arts ; l’atelier populaire et ses affiches. Et il y a quelque ironie à célébrer le Grand Homme dans une école qui, au début des années 50, mettait hors concours Ionel Schein qui avait eu l’idée saugrenue de transcrire une phrase de Corbu sur le châssis grand aigle (A0) de son projet.

En 1943, alors que le régime pétainiste prêchait le retour à la terre – qui elle ne ment pas -, la lecture de Quand les cathédrales étaient blanches fut pour moi une révélation. Un autre monde était donc possible. J’en parlais en classe, mon professeur me fit remarquer que le temps n’était pas à de tels propos. Mais cette lecture décida sans doute du choix du métier que j’exerce, sans cela j’aurais peut-être préféré l’histoire.

Les cités radieuses et les lendemains qui chantent marchaient d’un même pas. Et si ces derniers ont décliné, il est trop commode de s’en prendre aux bâtiments comme seule raison des problèmes de l’urbanisme contemporain. Si les plans de Saint-Dié ou de la Palice semblaient s’imposer sur des ruines, celui d’Orléans portait en germe tous les défauts de la table rase.

La visite des maisons Jaoul, suivie de celle de la quasi-totalité des bâtiments de Corbu, en France, en Suisse, aux Indes et même de ceux qui s’inspiraient de ses esquisses aux USA comme au Japon, provoquait chez moi comme chez tous les architectes de ma génération une émotion due à la rencontre dans chaque œuvre, du projet, du construit et du paysage.

Et pour s’en convaincre, il suffisait de dormir à la Tourette ou dans l’hôtel de l’unité de Marseille, voir Ronchamp sous la neige, pour comprendre ce que Corbu nous apportait.

Pourtant, je n’ai jamais été un épigone, ni un néo-corbuséen, mais Corbu a, en chacun de nous, provoqué un questionnement étique et esthétique dont on peut le remercier. Même si louant une partie de la Villa Planeix pour notre travail d’atelier, nous découvrions à cette occasion, les limites d’un dessin que l’exécution ne suivait pas. Et pour conclure, rencontrant Corbu, alors qu’il revenait des Indes, pour lui demander d’être notre chef d’atelier à l’Ecole des Beaux-Arts, il nous envoya balader. Faites comme moi, suivez mon exemple, disait-il en substance. Sur l’instant, nous le primes très mal. En réalité, il nous rendit service. Prétendant construire des bâtiments du logement de tous, de l’éducation pour tous, de la santé et de la culture pour tous, il ne suffisait pas à l’architecte, à l’âge de la démocratie, d’être assis à la droite du prince. Il ne pouvait plus, pour affirmer cette connivence, faire de la forme une performance comme le dit excellemment Antoine Picon dans son essai sur la matérialité de l’architecture. Et commémoration pour commémoration, nous pourrons bientôt célébrer Anatole Kopp et son pamphlet « quand le moderne n’était pas un style mais une cause ».