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Billetterie
Liliane Tomasko Shapeshifter (reliving its verdant past), 2024 Acrylic, acrylic spray on linen / Acrylique, spray acrylique sur toile 193 x 193 cm

Exposition

Maison La Roche

Liliane Tomasko Shapeshifter (reliving its verdant past), 2024 Acrylic, acrylic spray on linen / Acrylique, spray acrylique sur toile 193 x 193 cm

L’angle organique — Liliane Tomasko à la Maison La Roche

2 septembre — 4 octobre

La Fondation Le Corbusier présente à la Maison la Roche la première exposition personnelle de Liliane Tomasko à Paris. Dans L’angle organique, l’artiste dévoile une série inédite de peintures abstraites et gestuelles en résonance avec l’architecture moderniste de la maison La Roche conçue et construite en 1923 et 1925. Ses toiles, telles des cartographies de l’inconscient, traduisent des états intérieurs tout en entrant en dialogue avec la spatialité du lieu. Leur dynamique évoque pour l’artiste, l’idée corbuséenne de la promenade architecturale – une expérience sensorielle et fluide.

« Où peut bien se situer le subconscient ? De quelle façon cet organisme intensément intérieur est-il rattaché au monde extérieur ? Comme un pont entre les deux, permettant de relier l’intérieur à l’extérieur ? L’ensemble de mon travail constitue une médiation sur le sujet. Il s’agit en quelque sorte de s’interroger pour savoir non pas qui nous sommes ni ce que nous sommes, mais où nous résidons, où se situe notre ancrage ? »
Liliane Tomasko, 2024

« La Maison La Roche, conçue et construite par Le Corbusier entre 1923 et 1925 comme résidence et galerie privée pour le banquier et collectionneur Raoul La Roche, offre aux dernières œuvres de Liliane Tomasko une magnifique caisse de résonance. Le Corbusier a pensé la maison non comme une simple coquille, mais comme un système intégré et fonctionnel. Les visiteurs qui la parcourent la vivent avec sensualité et mouvement, la perçoivent depuis des panoramas toujours différents, des vues et perspectives nouvelles, au gré des murs colorés et de la lumière changeante. La nature environnante et le paysage urbain font partie intégrante de l’expérience. En regardant l’extérieur par une fenêtre, on regarde également l’intérieur par une autre, l’environnement extérieur devenant dès lors un élément de la maison ; « l’intérieur et l’extérieur sont un tout ». Pour Liliane Tomasko aussi, cette perméabilité est essentielle : son œuvre navigue depuis bien longtemps entre la vie intérieure et le monde visible, explorant les textures de notre état intérieur et la façon dont nous habitons l’espace et notre individualité.

Ces dernières années, Liliane Tomasko a développé un vocabulaire visuel dense fondé sur l’abstrait, le geste et l’immédiateté émotionnelle. Les œuvres présentées à la Maison La Roche, dont certaines ont été pensées dans un dialogue direct avec l’édifice, d’autres indépendamment de celui-ci, ressemblent à des topographies mouvantes de l’inconscient. De larges zones de couleurs lumineuses sont traversées par des bandes, des arcs et des boucles qui émergent, jaillissent ou se fondent dans leur propre source. Le langage formel de Liliane Tomasko gagne en volume et en spatialité. Ses peintures évoquent les cycles naturels de croissance et de déploiement : enroulement de formes végétales, gonflement des nuages, enchevêtrement de branches ou de plantes rappelant la mangrove. Leurs rythmes élastiques évoquent un vocabulaire emprunté aux prémices du modernisme, du cubisme à l’expressionnisme abstrait, en passant par le biomorphisme, voire l’iconographie impertinente des comics ou des graffitis. Les lignes de Liliane Tomasko s’apparentent à des marques, parfois presque au signe d’une pensée ou d’un réflexe – tantôt suggestions de clarté soudaine, tantôt répercussions ou traces. Si elles rappellent les lignes gestuelles de De Kooning, l’influence de la calligraphie est tout aussi présente. Elles sont gestes et traces, marques et expressions d’un tissu intérieur (la « jungle intérieure », pour reprendre Liliane Tomasko) et sont douées d’une autonomie expressive qui frise l’archaïsme : autoportraits en mouvement, états de mutation. L’artiste fait référence à certaines des œuvres présentées à la Maison La Roche comme à des « Shapeshifters » (métamorphes), terme désignant à la fois leur processus de création et leur mutabilité, mais également les courants mythologiques et psychologiques profondément ancrés qui façonnent sa pratique.

L’idée de transformation trouve un écho naturel dans la Maison La Roche. La « promenade architecturale » de Le Corbusier, qu’il a experimenté pour la première fois dans cette maison, offre une succession continue d’expériences, une chorégraphie mêlant formes, couleurs, lumière et mouvements. Les œuvres de Liliane Tomasko invitent également le spectateur à se mouvoir – sur le plan de la toile, mais aussi en se laissant traverser par les sensations. Les peintures qu’elle a spécialement réalisées pour la Maison reflètent cette interconnectivité : les formes angulaires rencontrent les gestes arrondis, les rideaux en mouvement rappellent avec subtilité le travail plus figuratif de ses débuts. D’autres œuvres, bien que non conçues spécifiquement pour le lieu, font écho aux formes organiques et au langage pictural plus libre que Le Corbusier explore dans sa peinture. En ce sens, la Maison La Roche ne se contente pas d’offrir un cadre aux œuvres : elle agit comme un contrepoint vivant, un véritable « Shapeshifter », magistralement équilibrée entre courbes et lignes, mouvement, retenue et volume. »

Barbara Huttrop

Le hall d'entrée de la Maison La Roche avec deux fauteuils Marple © FLC : ADAGP : Charles Gérard copie

À propos de Liliane Tomasko

Liliane Tomasko vit et travaille à Nyack (État de New York) et à Aix-en-Provence. Née 1967 à Zurich, elle a étudié au Chelsea College of Art and Design (BA 1995), puis à la Royal Academy of Arts de Londres (MA 1998).

Après s’être intéressée à la sculpture et à la photographie, Liliane Tomasko s’est tournée vers la peinture dans un style figuratif, explorant les tréfonds du monde intérieur : les recoins obscurs des pièces souvent ignorés, les plis assombris d’un rideau ou le rampant flou d’un escalier, autant d’espaces imprégnés d’une mystérieuse quiétude et d’une présence animée. Les plis de tissus ou de vêtements, représentés avec tant de délicatesse qu’ils semblent sur le point de disparaître, ainsi que le motif récurrent du lit défait ont pendant de nombreuses années pris une place centrale dans son travail, jusqu’à figurer dans sa période abstraite plus tardive. Bien plus que de simples portraits d’intérieurs domestiques et de lieux chargés d’émotions, ces premières toiles évoquaient également un état intérieur, situé entre la clarté rationnelle de l’éveil quotidien et la profondeur de l’inconscient.

Vers 2014, les froissements de draps et les formes que les corps y ont imprimées ont constitué un pont vers l’abstrait, offrant la structure sous-jacente d’un nouveau langage pictural. Mais l’urgence émotionnelle des premières œuvres demeure. Le travail de Liliane Tomasko n’a cessé de traiter les émotions, la pensée, les rêves et l’inconscient pour aboutir progressivement à une étude étoffée de la nature de soi, du principe de sa génération apparemment infinie d’images, d’émotions et de force créatrice.

Ce qui était auparavant marqué par une mélancolie productive (Kirsten Voigt), palpable tant dans son travail figuratif que dans ses premières œuvres abstraites, s’est depuis quelques années ouvert à un langage visuel façonné par la fluidité du rythme, un aspect ludique et une aisance naturelle de la forme. Alors que ses premières toiles donnaient délibérément à voir une sensation de tension résiduelle, ses dernières œuvres semblent être entrées dans une fluidité dynamique. Les éléments figuratifs émergent de façon de plus en plus récurrente dans les compositions abstraites de Liliane Tomasko. À l’instar de ses premières œuvres, ces moments préservent bien souvent le souvenir d’un lieu, qu’il s’agisse d’une pièce de stockage pleine de matériel appartenant à la Douglas Hyde Gallery de Dublin, qui a été le théâtre d’une de ses expositions, ou bien actuellement de la Maison La Roche de Le Corbusier, à Paris.

Après des expositions en France à l’Hôtel des Arts du Centre méditerranéen d’art de Toulon (2008) et au Château La Coste (2019), cette exposition à la Maison La Roche est la première exposition personnelle de l’artiste à Paris.

Portrait de Liliane Tomasko devant l'une de ses œuvres.