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Usine verte

Sans lieu, 1944

  • Usine verte, sans lieu
    © FLC/ADAGP
Usine verte, sans lieu
© FLC/ADAGP

Comme le confirme Le Corbusier dans une note rédigée de sa main, il fut nommé « Chef de groupe » de la grande cartoucherie d’Aubusson par Raoul Dautry, alors Ministre de l’Armement. L’Usine verte est localisée sur la commune de Moutiers-Rozeille, dans la Creuse. Elle se veut moderne, innovante et conçue pour accueillir 3 000 ouvriers. Selon Le Corbusier, elle « réinstalle à nouveau autour du travail les conditions de nature ».

On constate sur le plan que l’espace est avant tout pensé autour de la notion de circulation. L’étude réalisée privilégie et facilite une circulation indépendante des matières premières (plomb, laiton, acier) et du personnel. La terminologie V1, V2 et V3 désignant chacune des voies, est annonciatrice des 7V de Marseille et de Chandigarh. Le Corbusier conçoit une piste cimentée destinée aux ouvriers, un circuit de wagonnets électriques ainsi que des routes pour voitures (les fameuses autostrades). Comme il l’avait prévu des années auparavant pour les abattoirs de Challuy et de Garchizy, Le Corbusier organise avec ordre la vie de l’usine et le cheminement des ouvriers : garage à vélos et motos, auquel succèdent un local de pointage puis les vestiaires. En respectant une typologie voisine de celle déjà présente dans la Ville Verte moscovite ou dans la Ville Radieuse, on retrouve une répartition harmonieuse des logements et des autres infrastructures qui s’intègrent avec les « herbages, les arbres et les horizons ». Le plan parfaitement l’importance donnée au monde végétal.

Enfin, comme le soulignent Gilles Ragot et Mathilde Dion, cette étude prouve que Le Corbusier est encore fortement marqué par le modèle mis en place par Jan Bat’a à Zlin (Tchécoslovaquie) et s’en inspire. Le Corbusier souhaite concilier modernité, ergonomie et condition de travail favorable.

Entre 1942 et 1943 Le Corbusier prolongera ce travail avec l’Ascoral en déclinant le concept de « cité linéaire ». Dans de nombreux articles postérieurs il reviendra sur la notion d’Usine verte, véritable prolongement de sa réflexion sur la Ville Radieuse. Le projet non-réalisé du plan d’urbanisme de Saint-Dié reprend lui aussi l’aménagement d’Usines vertes.

La débâcle française eut raison de ce projet qui s’arrêta peu de temps après le début des travaux.

« Cette usine, commandée par le ministre de l’Armement au début de 1940, était destinée aux fabrications de guerre. L’exécution fut commencée et arrêtée par la défaite. Cette usine devait abriter 3500 ouvriers. Elle fut le prétexte de propositions pouvant entraîner d’importantes réformes dans la manière de construire les établissements industriels et dans l’art de doter le travail de conditions favorables tant à l’exploitation technique qu’au bien-être physique et moral des ouvriers et du personnel. Ce type d’usine a pu être qualifié d' »Usine Verte », c’est-à-dire que le travail s’effectue véritablement dans des conditions de nature. II est tenu compte du site, du soleil, des perspectives paysagistes et d’une masse de facteurs d’ordre sensible.

L’usine se trouvait, près d’Aubusson, dans la boucle d’une rivière. On a profité de la pente du terrain pour opérer le classement et la séparation nette du circuit du personnel et du circuit des matières premières et des produits fabriqués.

Le personnel est collecté depuis les garages de motos et de vélos, à travers le pointage et les services sociaux, par des passerelles ayant forme de tubes, carrés fermés, dominant les bâtiments et ouvrant sur divers escaliers conduisant tout d’abord au vestiaire et de là, plus bas, au lavabos, et enfin, à niveau du sol, dans les halles des machines. Ceux-ci sont établis sur plancher de pavé de bois, et les portes s’ouvrent à l’entrée comme à la sortie sur des pistes de béton qui assurent le véhiculage des wagonnets électriques transportant les matières et les produits aux lieux de leur fabrication et de leur stockage. On a tenu compte dans la mesure la plus économique des routes de terre et de fer seules employables ici. » 

Extrait de Le Corbusier, Œuvre complète, volume 4, 1938-1946

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    © FLC/ADAGP
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